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Les échos d'aktao

Blog des Tendances qui vont transformer les Entreprises

L'innovation made in France

Grâce à son robot, l’Amérique voit en BERTIN NAHUM un génie de l’innovation, juste derrière Steve Jobs

Grâce à son robot, l’Amérique voit en BERTIN NAHUM un génie de l’innovation, juste derrière Steve Jobs

Sur l’écran plat du salon, qui diffuse une chaîne d’information en continu, les images des hauts-fourneaux de Florange reviennent en boucle. « C’est fou ce que nous, Français, avons tendance à nous mobiliser sur le négatif et ­jamais sur le positif. Je dis souvent que le pire n’est pas inévitable, mais le meilleur non plus. » La formule est à son image, sage, spirituelle et résolument optimiste.

A 42 ans, le roboticien formé à Lyon vient d’être désigné par un magazine canadien quatrième personnalité la plus innovante au monde, derrière Steve Jobs, le fondateur d’Apple, Mark Zuckerberg le créateur de Facebook, et James ­Cameron, le réalisateur d’« Avatar ». Le jeune ingénieur a la consécration outre-­atlantique modeste. « Gardons les pieds sur terre ! Je travaille dans la recherche médicale et la robotique, deux secteurs qui stimulent l’imaginaire collectif. Je pense que j’ai été découvert grâce à un chirurgien de Montréal, qui a témoigné de l’utilité de Rosa dans l’opération du cerveau d’une de ses patientes. »

Rosa, c’est le robot qu’il a mis au point pour assister les neurochirurgiens dans les opérations à crâne ouvert, les plus délicates. « Pour simplifier, c’est une sorte de GPS appliqué à la neurochirurgie. Grâce à notre robot, on peut atteindre avec précision une zone du cerveau. Au lieu d’effectuer l’opération à main levée, c’est le bras de la machine, muni de l’instrument adapté, qui intervient. » ­Bertin a donc inventé un super ­assistant doté d’un logiciel qui facilite les biopsies, les implantations d’électrodes, les ponctions de tumeurs ou les interventions sur le cerveau de nourrissons. En tout, depuis sa commercialisation, en 2009, Rosa est intervenu dans plus de 600 procédures à travers le monde. Son utilisation par des services à la pointe dans les traitements de l’épilepsie ou de la maladie de Parkinson, en France, aux Etats-Unis mais aussi en Chine, a fait sa réputation.

BERTIN: «JE SUIS UN ENTREPRENEUR. INVENTER, C'EST BIEN. VENDRE SES INVENTIONS C'EST MIEUX!»

A 300 000 euros l’unité, le robot de la société Medtech, dont Bertin Nahum est P-DG, a déjà été vendu en 15 exemplaires à travers le monde. Ce sont les ventes de Rosa qui font la fierté de l’ingénieur et non pas la reconnaissance du génie de la trouvaille : « Je me définis d’abord comme un entrepreneur. Inventer, c’est bien. Vendre ses inventions, c’est mieux ! » Aujourd’hui, la PME de 20 salariés, installée près de Montpellier, génère un chiffre d’affaires de 2 millions d’euros. Malgré l’entrée d’un fonds d’investissement parisien, en 2010, Medtech n’est toujours pas rentable. Mais Bertin Nahum n’est pas inquiet, il a trouvé deux nouveaux fonds pour réinjecter des capitaux dans sa société. « Normalement, avec tous les handicaps typiquement français que nous avons rencontrés pour nous développer, on n’aurait ­jamais dû arriver là où nous en sommes. Nos concurrents américains lèvent 30 à 40 fois plus de fonds et comptent 20 à 50 fois plus de salariés que nous, mais nous avons pour nous un sens de l’innovation typiquement français.

En France, avec notre tendance maladive à l’autoflagellation, on oublie que nous sommes bien meilleurs en productivité ! C’est un comble : nous avons de formidables atouts dans notre pays, mais nous sommes les derniers à nous en rendre compte. » En 2006, quand Bertin Nahum a vendu le brevet de son premier robot, Birgit, destiné à la chirurgie orthopédique, l’entreprise ne comptait que 4 salariés. « Le géant américain de la prothèse, Zimmer, n’en revenait pas… » Grâce à la vente de Birgit, Bertin et ses compagnons d’aventure ont pu développer Rosa. « Si nous avions dû compter sur les banques, on attendrait encore », sourit l’ingénieur qui raconte une anecdote révélatrice : « Juste après avoir cédé le brevet, j’ai reçu la visite de la DST. Se prévalant d’une mission de protection de la technologie française des services, ils s’étonnaient que j’aie pu vendre de l’“intelligence française” aux Américains… Autant dire qu’ils n’avaient rien compris ! » Il rigole : « Le patriotisme, c’est aussi faire confiance à des entreprises qui se donnent les moyens de rivaliser avec des concurrents étrangers. »

Et sur ce point, ses deux dernières années passées outre-Atlantique pour s’implanter en Amérique du Nord ont renforcé sa conviction que « la France doit cesser de douter d’elle-même ». Bertin n’a pas hésité à aller s’installer avec sa femme et ses deux garçons une année entière à New York pour accompagner l’ouverture de la filiale américaine. « Beaucoup d’entreprises françaises échouent dans leur approche du marché américain car la direction ne s’implique pas. En me frottant au business sur place, j’ai compris une chose essentielle : la force des Américains, c’est leur confiance en eux ! »

«LES AMÉRICAINS SAVENT SE VENDRE PARCE QU'ILS ONT CONFIANCE EN LEURS ATOUTS»

Bertin raconte comment, à travers la scolarisation de Thomas et Lilian dans une école publique américaine de Manhattan, il a découvert que la confiance en soi, « ce n’est pas qu’une question de tempérament, ça s’enseigne ». L’ingénieur en est désormais persuadé. « Les Américains savent se vendre parce qu’ils ont confiance dans leurs atouts. Ils ne se focalisent pas sur leurs points faibles, comme nous. Dès la petite école, les qualités de chacun sont valorisées. Ici, le système éducatif, par ailleurs supérieur académiquement, souligne d’abord les difficultés de l’élève. Mettre zéro à un élève parce qu’il a fait dix fautes dans sa dictée, c’est violent, pas utile. » Pour cet ancien « élève moyen », comme Bertin le reconnaît volontiers, le seul conseil qu’il pourrait se permettre de donner, c’est : « Croyez en vous ! On m’a toujours expliqué que ce que je souhaitais faire n’était pas possible. »

Le roboticien n’aime pas l’évoquer, mais après avoir perdu sa mère, à l’âge de 9 ans, et son père, à 14, il a été confié à la Ddass. « Je ne regarde pas en arrière, seulement devant. Mais je dois reconnaître que sans les encouragements de mon prof de maths de quatrième et troisième, je ne me serais sûrement pas autorisé à rêver d’études d’ingénieur. » Après un IUT à Grenoble, il décroche une bourse Erasmus pour étudier à l’université de Coventry. Diplômé d’un « Master of Sciences » en robotique, il intègre l’Institut national des sciences appliquées à Lyon. « En fin de cursus, j’ai participé à la conception d’un logiciel capable de détecter automatiquement les lésions crâniennes à partir de scanners. C’était un projet en collaboration avec le service de neurocardiologie. Un sentiment d’utilité m’a donné envie de consacrer ma carrière aux avancées technologiques médicales, et c’est comme ça que j’ai décidé de faire de l’ingénierie appliquée à la santé. » Pas question de s’étendre sur les obstacles qu’il a dû enjamber pour arriver, à 42 ans, à cette réussite exemplaire. Modeste et pudique, Bertin Nahum préfère s’amuser de son esprit résolument « entrepreneur ». Encore étudiant, avec un copain, il a créé un café-concert dans le quartier de la Croix-Rousse, à Lyon, le Phœbus. « Tout en poursuivant ma carrière d’ingénieur, j’ai continué l’aventure. Nous l’avons vendu en 2007, cinq ans après avoir créé Medtech, grâce à l’accompagnement de l’incubateur de l’Ecole des mines d’Alès. ».

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