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Les échos d'aktao

Blog des Tendances qui vont transformer les Entreprises

Disruption digitale

Disruption digitale

L'accélération technologique fulgurante se synchronisant avec une profonde crise de civilisation, l'entreprise est face à un choix : résister ou se réinventer ?

Personne ne peut désormais ignorer que l'entreprise, comme la société, est entrée dans une ère disruptive. Pour tenter d'appréhender ce mouvement radical et vivant, on peut distinguer 5 lignes de ruptures simultanées qui traversent l'entreprise de part en part :

 

 

1) Le comportement des consommateurs change

 

L’individualisme a triomphé de toutes les formes d’organisations. Nous avons destitué nos "Totems" comme la nation, la religion, la morale civique, la famille et sommes peu à peu devenus des "êtres consommateurs". Dès lors, nos choix de consommation sont devenus les nouveaux enjeux de nos existences et nous recherchons à recréer du sens (consommation éthique, développement durable, mouvement locavore…) et du lien (achat collaboratif, communautés d’intérêts, C2C…).

En dépit de cette quête, l’acte de consommer est devenu un "shoot sensoriel", une morphine que les marques et distributeurs distillent à travers des sollicitations poly-sensorielles toujours plus élaborées.

À l’ère digitale, créer une marque puissante suppose de développer une communication virale impliquant tous les acteurs (clients, fournisseurs, collaborateurs, leaders d’opinion…) au sein de communautés partageant le "brand purpose" de la marque, c’est-à-dire son intention, sa cause à défendre. Ceci impose à l’entreprise une transparence et une authenticité nouvelle, mais aussi un alignement parfait de son projet d’entreprise (gouvernance, communication corporate, stratégie marketing, politique RH…).

Le développement fulgurant de la connaissance client (on parle de "dataclysme") et la capacité à personnaliser en temps réel sa relation client à travers des algorithmes prédictifs permettent la mutation d’un marketing de masse basé sur des études de marché vers un marketing individualisé et interactif.

Le consommateur est un "business partner" à part entière qui peut être impliqué dans la conception d’un produit (co-conception), le développement de sa notoriété sur les réseaux sociaux (SRM), sa commercialisation à son réseau (MLM), voire le financement du projet (crowdfunding).

 

 

2) Des innovations de rupture provoquent l’entrée fulgurante de nouveaux entrants

 

Lorsque l’on se penche sur le rythme et la fulgurance des innovations technologiques, il semble évident qu’elles constituent tout à la fois un risque et une opportunité considérable pour chaque entreprise. Ce qui me frappe particulièrement, c’est la convergence croissante des différentes technologies qui se combinent pour développer de nouveaux usages. Bien souvent, la véritable rupture se trouve davantage dans les usages que dans la technologie elle-même.

Il n’est pas un secteur épargné. Le marché de la santé est traversé par de multiples transformations qui sont la combinaison de nombreuses innovations technologiques (internet des objets, robotique, Big data et médecine prédictive, biotechnologies, télémédecine, téléchirurgie…) et d'innovations d’usage (l’hospitalisation ambulatoire, l’hospitalisation à domicile, la prise de pouvoir du patient, pharmacie en ligne…).

Même des marchés ayant construit des barrières à l’entrée solides comme l’automobile, l’énergie ou l’horlogerie sont actuellement sujets à des ruptures violentes corrélées à l’arrivée de nouveaux entrants. Beaucoup de grands groupes vivent dans le syndrome de "l’uberisation" de leur marché, c’est-à-dire sa désintermédiation par un tiers. Ces groupes s’efforcent désormais de comprendre les usages et d’anticiper leur évolution. Un exemple symptomatique est celui de Michelin qui vient d’investir dans Sascar, une start-up gestionnaire de flotte.

Pour faire face à cette irruption de nouveaux acteurs, de nombreux groupes se dotent d’un "Lab" leur permettant de se rapprocher de l’écosystème "start-up/universités/laboratoires de recherche", développer des projets d’innovation de rupture en interne voire investir dans un incubateur accueillant des entrepreneurs. L’idée selon laquelle nous sommes entrés dans une période de créativité destructrice milite pour un déplacement des ressources de l’entreprise des activités historiques vers de nouvelles activités "from scratch".

 

 

3) Les modèles se décloisonnent et se combinent

 

À l’ère digitale, une entreprise n’est plus enfermée dans un modèle (industrie, distribution, services…). Elle doit dépasser le cadre de ses savoir-faire historiques et se centrer sur les usages de ces clients/consommateurs. Son périmètre de création de valeur se décloisonne et elle doit repenser l’amplitude de son offre sous forme de solutions globales intégrant des services, intégrer verticalement les éléments clés de sa différenciation. Cette recomposition de l’offre peut s’opérer en organique (le digital a fait tomber de nombreuses barrières à l’entrée) ou via des alliances avec d’autres acteurs ayant perçu l’intérêt de combiner ses forces.

Prenons un exemple. Renault, Europcar, Norauto ne sont-ils pas désormais des acteurs d’un même marché, celui de la mobilité ? Ne sont-ils pas tous impactés par de nouvelles concurrences alternatives fulgurantes centrées sur la mobilité telles que Uber, Blablacar, Autolib ? D’autres acteurs issus du marché high-tech (Apple, Google, Samsung) ne sont-ils pas susceptibles de capter une part grandissante de la valeur de ce marché ?

Les frontières tombent une à une. Apple est un industriel ayant ouvert 450 points de vente (12 % de son CA) et réalisant près de 8 % de ses revenus dans les services (musique, apps, paiement…). Nestlé à travers le projet Nespresso a développé un écosystème complet pour vendre du café premium : un packaging exclusif, des machines dédiées, un réseau de distribution multicanal, une ligne d’art de la table, des chocolats…

Développer de nouveaux usages et donc de nouveaux services, customiser l’offre "on-demand", proposer au client de participer au financement (crowfunding) ou à la conception du produit, désintermédier l’accès au marché, facturer l’offre à l’usage (formules Saas ou abonnements), valoriser la connaissance client (Big data) sont autant de leviers pour réinventer le modèle économique d’une entreprise.

 

 

4) Les aspirations des collaborateurs évoluent

 

Les salariés, comme les citoyens ou les consommateurs poursuivent une quête de sens qui questionne en profondeur l’Entreprise, son projet, son mode d’organisation, ses rituels de management. J’identifie 4 thèmes sur lesquels les collaborateurs expriment des attentes fortes :

- S’investir pour une finalité : refusant le syndrome de "l’avoir" compulsif et de l’accumulation des résultats, les salariés veulent s’inscrire dans un projet collectif qui les dépasse, une cause à défendre, partager une vision du monde.

- Construire des relations plus humaines : cherchant à s’extraire de la logique du "paraître", de la virtualisation relationnelle sidérante, les collaborateurs cherchent à adhérer à une communauté qui favorise des relations humaines de qualité, un climat de confiance et accueille la diversité des parcours, des personnalités, des idées.

- Être reconnus en tant que personnes : conscients de la violence qu’exerce la logique organisationnelle sur la personne, ils souhaitent se libérer de la toute-puissance du processus et sont attentifs au respect que l’on manifeste pour leur contribution créative, l’équilibre de leur vie personnelle et leur employabilité long terme.

- Pouvoir s’ancrer dans le travail : la personne se structure par l’acte de travail. Face à la virtualisation des tâches et des organisations, il est parfois difficile de comprendre concrètement sa contribution à l’œuvre collective. Toute initiative visant à favoriser l’apprentissage d'un métier, à valoriser l'acquisition de compétences et à informer chaque collaborateur de sa contribution réelle favorisera l’implication et l’engagement.

 

 

5) L’entreprise doit répondre de sa responsabilité sociétale

 

Dans ce monde en perte de repères, l’entreprise est devenue un des principaux lieux de sociabilisation. Elle est perçue comme le recours privilégié pour tisser des liens, recréer du sens, favoriser certaines formes de réalisation personnelle, voire organiser la société.

Aujourd’hui, on ne peut plus penser l’entreprise si on ne la pense en interaction permanente et structurelle avec le contexte social dans laquelle elle s’inscrit. Ce n’est pas de la gentillesse de l’entreprise de bien vouloir s’occuper du contexte social, c’est de sa nature même. Comme le souligne le philosophe et théologien Samuel Rouvillois, le dirigeant doit passer de "l’Ego-entrepreneur" à "l’Eco-Entrepreneur". L’entreprise ne peut pas se penser comme une toute-puissance. Elle est une maison qui cohabite avec la "maison terre" et la "maison humaine". Ce projet doit s’ancrer dans le temps.

L’entreprise se conçoit trop souvent comme un espace prédateur où il faut accumuler le maximum de richesses dans un délai limité ; or, il faut penser l’entreprise comme un processus humain, un processus historique. Le dirigeant doit accompagner ce processus avec humilité et ne pas se prendre pour un demi-dieu. Enfin, la "maison entreprise" suppose la recherche d’une finalité qui permet à chacun de se sentir l’élément constitutif de quelque chose qui le dépasse.

La toute-puissance de l’actionnaire sanctuarisée par l’école de Milton Friedman a montré ses limites. L’entreprise est-elle la seule propriété de ses actionnaires ? Dans son livre "Homme, Entreprises et Société", Daniel Hurstel repense la gouvernance de l’entreprise et propose un nouveau pacte permettant de revoir le rôle des actionnaires, de réaffirmer l’autorité des dirigeants, de revaloriser le rôle des employés, de prendre en compte les intérêts des parties prenantes (clients, fournisseurs, collectivités) dans l’élaboration du projet d’entreprise.

Il convient également de donner un visage à l’actionnaire bien souvent distant et anonyme et créer des espaces d’interactions avec les autres parties prenantes. Il existe aux États-Unis un mouvement extrêmement encourageant sur l’évolution de la gouvernance. Le label "B-Corp" est une certification accordée à des entreprises répondant à des critères exigeants en matière de performances environnementale et sociale, mais aussi de comptabilité et de transparence. Face au succès rencontré par cette initiative auprès des entreprises américaines, le mouvement B-Corp est en train de passer du monde associatif à la sphère législative.

 

Ces 5 ruptures s'imposent aujourd'hui, quel que soit le secteur d'activité ou le profil d'entreprise. Dès lors, la question à laquelle chaque dirigeant ou manager est confronté : faut-il résister ou se réinventer ?

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